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la beauté des joursTrès belle découverte, ce dernier roman de Claudie Gallay. Une écriture sobre, aussi puissante que délicate, pour un récit d’une grande justesse, tout en nuances douces et apaisantes. Une lecture touchante qui laisse un agréable sillage derrière elle.

L’histoire : Jeanne mène une vie rythmée par la douceur de l’habitude mais qu’elle n’hésite pas à bousculer en provoquant des courants d’air.  » Les surprises, c’est du vent dans la vie. (…) Il fallait parfois provoquer le hasard. »

3 extraits pour vous mettre l’eau à la bouche :

p. 29 –  » Les frères Combe faisaient de l’équilibre dans l’impasse, à deux sur le vélo du petit. Avec la radio à fond. Des basses insupportables qui résonnaient contre les murs des maisons. Rémy est sorti leur dire de foutre le camp mais les cons c’est comme les chiens, ça revient toujours à leurs rues. Ceux-là avaient leurs habitudes ici. Le plus grand avait un regard vide, ce vide l’autorisait à tout, même à pisser contre les murs. Pour qu’ils changent de quartier, Rémy avait répandu du répulsif. Du répulsif contre la connerie. L’odeur était partie avec la première pluie. La bande était revenue. »

p.300 – « Le bonheur, ça se croise, et à cette pioche, tout le monde a sa chance. Ca se croise mais ce n’est pas donné, et si on n’en prend pas soin, ça s’en va ailleurs et on ne sait pas où, chez d’autres, qui ne l’ont pas encore eu, ou qui le méritent mieux. Après il faut attendre que ça repasse. Parfois ça repasse. Et parfois pas. »

p. 318 – « Elle est arrivée comme il ouvrait la porte. Il était là. Il l’attendait. C’est ce qu’il a dit, Je t’attendais. Ou je t’espérais. Ou tu es là. Ils ne se sont pas embrassés. Pas tout de suite. Juste regardés. Son visage à lui, dans ses yeux à elle. Et puis l’un contre l’autre. Son corps à elle, entre ses bras à lui. Serrée. Il l’a enveloppée dans ses bras. Dans ce couloir d’hôtel. Il l’a embrassée , de toutes ses forces, accroché à elle, l’un à l’autre, dans ce couloir qui n’était pas la chambre. Il l’a entraînée. A refermé la porte. Une fois dans la chambre, il lui a saisi le visage. Sa main sur sa nuque, ses doigts dans ses cheveux. Il l’a serrée, avec une puissance folle, même serrée ainsi, sans espace entre eux, elle semblait encore trop loin. Il a retiré sa robe. Elle a pensé à Rémy. Et puis plus rien. Elle l’a oublié. Parce qu’elle était emportée. Traversée. Plus rien ne comptait. Il n’y avait plus de monde. Plus de dehors. Plus de morale. Plus de convenances. Lé désir de lui a tout balayé. »

en voiture simoneJ’ose l’avouer, je n’ai pas bien accroché. Pourtant j’apprécie la personnalité de l’auteure, j’admire la success story littéraire de cette jeune femme et depuis un moment j’avais envie de découvrir ce qui séduit tant de lecteurs dans son oeuvre. J’entendais dire que mon roman Merci Gary Plotter était « un peu pareil ». Il me fallait comprendre. Parmi les romans signés Aurélie Valogne, c’est « en voiture, Simone » qui s’est imposé, étant le seul immédiatement disponible en poche chez mon libraire. En quelques heures, je l’ai avalé. Parce qu’il se lit facilement, c’est indéniable, mais une fois le livre refermé, il ne m’en reste rien. Rien.  Un style, une intrigue pas tout à fait assez aboutis selon moi, peut-être (Mon Dieu, qui suis-je pour oser écrire cela ?) ou bien est-ce dû au fait que je n’ai pas (encore ?) de belles filles ? Je n’ai pas beaucoup ri non plus. Je crois qu’en film, je serais meilleur public. Il m’est étrange de penser cela, moi qui regrette si souvent les adaptations fades.

Mais je ne vais pas en rester là, non mais !, je vais lire Au petit bonheur la chance qui, selon de nombreuses critiques, est le meilleur ouvrage de cette écrivaine ou encore le tout premier Mémé dans les orties qui l’a lancée.

Pour être totalement honnête, j’ai retenu une phrase, si !, l’avant dernière, nichée dans la postface. Une très bonne amie m’a rappelé une chanson dans laquelle il est dit que pour réussir sa vie il fallait « planter un arbre, avoir un fils et écrire un livre ». J’ai vérifié, cette phrase serait attribuée au chanteur cubain Compay Segundo. La phrase est plus exactement : Pour réussir sa vie, un homme doit faire un enfant, écrire un livre et planter un arbre.

Je ne peux qu’être heureuse, j’ai fait deux enfants, écrit deux livres et planté plusieurs arbres. Merci Aurélie de me l’avoir rappelé.

 

delicesUn délice en effet ce petit roman de Durian Sukegawa,  poétique et émouvant. La maladie, le rejet, les accidents de la vie, la force intérieure, la pâtisserie japonaise… sont les ingrédients de ce livre tout en finesse.

La biographie de l’auteur à elle seule vaut son pesant de haricots : Durian Sukegawa est poète, écrivain et clown, diplômé de philosophie et de pâtisserie. Il a fondé la Société des poètes qui hurlent, dont les performances allient lectures de poèmes et musique punk.

« Les délices de Tokyo » est un livre optimiste comme je les aime. Petite déception sur la fin qui m’a paru tronquée. Peut-être dois-je la relire pour lire entre les lignes ou aller voir le film pour découvrir comment l’a interprétée le réalisateur.

 

Pour terminer l’été en enchaînant les promenades, les moments de lecture et s’enrichir d’anecdotes littéraires, pourquoi ne pas mettre « Mon Paris littéraire » de Français Busnel  dans sa poche ?  l’itineraire d’un PMon-Paris-litterairearis littéraire,

Près de 20€ quand même.

Deux livres qui traitent de la question de l’écriture quand on est auteur, et plus précisément de celle de la limite entre la fiction et la réalité, un thème que j’aborde également dans Le voisin, mon roman en cours  :

le mobile♥ Le Mobile de Javier Cercas (si gentiment offert par mon amie Nicole), un excellent petit roman au style et à l’intrigue épurés et efficaces :

Le héros veut écrire un grand roman et il est persuadé qu’en s’inspirant de faits réels ses propos seront plus crédibles. « Il était évident qu’en transposant dans sa fiction un modèle réel, il serait beaucoup plus simple d’incarner son personnage de façon vraisemblable et efficace. » Il va pour cela créer de la réalité, une réalité qui va se retourner contre lui.

 

 

histoire vraie

♥ D’après une histoire vraie de Delphine de Vigan (merci à mon fils Joé de me l’avoir offert), dans un style bien différent du précédent. L’auteure joue sur les émotions, sur l’ambivalence, l’atmosphère y est oppressante.

« Et désormais tous les personnages que je pourrais inventer, quelle que soit leur stature, leur histoire, leur blessure, ne seraient jamais à la hauteur. De ces personnages fabriqués de toutes pièces, il ne sortirait rien, aucune émanation, aucun fluide, aucune effluve. Quoi que je sois capable d’imaginer, ils seraient tous petits, rabougris, pâlichons, ils ne feraient jamais le poids. Exsangues, dispensables, ils manqueraient de chair » : voilà ce dont veut la convaincre sa nouvelle « amie », la mystérieuse L.

Coup de coeur pour ce magnifique texte de Charles Juliet, extrait de Apaisement, Journal VII (chez Pol ).

 

extrait

Merci à Marianne Jaeglé de nous l’avoir fait découvrir lors d’un atelier d’écriture.

 

oeufNon pas qu’il soit ici question d’oeufs, de poules, de lapins ou encore de cloches en chocolat… rien de cela, mais ces quelques jours de repos d’avant Pâques m’ont permis de lire trois livres dont j’ai envie de vous parler avec gourmandise.

Tout d’abord, « En attendant Bojangles » d’Olivier Bourdeaut dont j’ai déjà parlé dans ce blog en tant que success story de l’édition. C’est une histoire originale, haute en couleurs, qui aborde un sujet sérieux, celui des désordres psychiatriques. C’est drôle, d’une tristesse gaie,  ça se lit comme on mange ces bonbons qui piquent la langue.

Ensuite, « La fille du train » de Paula Hawkins, un best seller, un vrai. Et j’ai vite compris pourquoi ce livre m’avait été recommandé pour la construction impeccable de l’intrigue. Dès les premières pages, on est happé par les existences obsessionnelles de ces trois femmes et on n’a qu’une envie, voir où elles les mènent. Aussi redoutable et addictif qu’une tablette de chocolat noir.

Et enfin, « Belle de jour » de Joseph Kessel, un roman à redécouvrir dans un genre bien différent, joliment suranné. Mais quelle virtuosité pour décrire les tiraillements entre chair et sentiments pour cette femme qu’incarna Catherine Deneuve au cinéma. Une histoire à l’acidité douceâtre d’un berlingot d’autrefois.

cadre

Selon « Verbier, Herbier verbal à l’usage des écrivants et des lisants » de Michel Volkovitch, Ed. Maurice Nadeau  (Merci, Nicole)

Bonheur – Son moment d’élection : le matin, de bonne heure. Ce h inaudible au milieu, secret, comme un soupir d’aise au fond de soi.

Chocolat – Chaud, collant mais coulant. On ouvre grand la bouche, aah…

Choyer, dorloter – Choyer se déploie largement, le choyé en sort grandi, épanoui – d’abord, on ne peut choyer que du premier choix. Dorloter, au contraire, c’est rapetisser. Une personne qu’on dorlote est petiote, chochotte : on lui dit, Dors, comme à un enfant.

Oui – Mot épanoui. Le plus beau mot à dire quand on jouit.

Paresse – Pareille à la caresse, en plus doux encore.

Visage –Mot-caresse, vibrant doucement, lent à finir (comme les vagues sur le rivage), contemplatif, le regard s’y promène, visage-paysage…

Et maintenant, à moi d’écrire des portraits !

Théâtre – 3 syllabes comme autant de coups de ce fameux brigadier. Té ! A ! Tre ! le bâton frappe et les rideaux s’ouvrent. Et puis le â se prononce la bouche ouverte comme quand on déclame.

Nonchalance – Un mot tout en longueur, qu’on ne peut dérouler sur la langue qu’avec une lenteur étudiée. Non-le-chat-n’est-pas-lent, il est racé. Quand il s’étire, c’est avec élégance. Quand il se meut, c’est avec grâce. La nonchalance n’est pas une vitesse, c’est un mouvement.

Acariâtre – ça accroche et ça rappe. Prononcer cet adjectif est presque douloureux.

Saccadé – Trois syllabes rythmées. Impossible de les lier, il faut les détacher, chacune a son rôle.

Buisson – Le « ui » et le « on » s’emmêlent, ça grouille là-dedans. C’est ramassé et brouillon, ça enveloppe. On peut s’y cacher mais pas s’y perdre.

Qui prend ma suite ?

118169_couverture_Hres_0Ce livre de Marcello Fois explore les relations entre deux jumelles. Ses propos tout en nuances et suggestions nous révèlent deux femmes tiraillées entre complicité et rivalité, tels des animaux sauvages.

À propos de l’une : « Soudain, elle prenait cet aspect de prédateur qui digère à l’ombre, après avoir nettoyé une carcasse. Fier, indolent, les pattes croisées. »

Au sujet de l’autre : « Elle était furieuse, mais envers elle-même, parce qu’elle savait qu’elle retomberait dans le piège. Qu’elle tenterait encore une fois d’avoir raison. »

Angela et Natacha, les deux jumelles héroïnes de mon premier roman, inabouti, sont ainsi, toujours prêtes à sortir les griffes mais inséparables. J’ai hâte de les retrouver…

Présentation de l’éditeur :

http://www.seuil.com/ouvrage/cris-murmures-et-rugissements-marcello-fois/9782021181692