Je l’adore Barbara Kingsolver, pas en tant que personne, notez que si je la connaissais personnellement je l’apprécierais très certainement, mais comme ce n’est nullement le cas, je me contente de l’adorer en tant que romancière.
Je l’ai découvert il y a des années avec L’arbre aux haricots et Les cochons au paradis et affectionné ces sagas sociales. Il y a quelques mois, un jour de pillage compulsif dans ma librairie préférée, j’ai naturellement embarqué Des vies à découvert, son roman publié à l’automne 2020 (le dernier, je crois) et l’avais relégué dans ma Pile à lire. J’ai profité de la période estivale pour l’en extraire et, comme attendu, ce fut un délice. D’autant qu’il se consomme à la petite cuillère, ce pavé de près de 600 pages.
Les personnages d’abord, humanistes et attachants. Des femmes libres, charismatiques, cabossées, résilientes et volontaires, dans une fresque construite en miroir entre XIXe et XXIe siècles. Un regard sans concession sur le monde d’aujourd’hui, fracassé socialement, économiquement et écologiquement parlant. Avec pour assaisonnement, une bonne dose d’humour et d’optimisme.
Le style ensuite (qui me rend jalouse, je dois l’avouer). La bonne remarque, la bonne image. Un vrai talent, il n’y a rien à redire.
Je n’ai pas su choisir d’extrait à vous livrer, alors laissez-moi vous proposer quelques phrases glanées par ci-par là comme on ramasse des coquillages sur la plage.
Extraits
Zeke s’était joint à eux et communiquait. Ses yeux creusés et son accablement avaient fait place à son niveau habituel d’aisance sociale : un trait de caractère qu’il avait forcément hérité de Iano. Ou alors cela venait du fait d’être né magnifique, pour le père comme pour le fils. Les gens beaux se plaisaient à dire que la beauté n’avait pas d’importance, tout en dispersant cette monnaie aux quatre vents comme des voleurs de banque amateurs.
« Mesdames, aimables voisins, calmez-vous ! » C’était Landis, sorti d’un coup de son fauteuil, un bras levé tel un baptiste, sans surprise. Son territoire n’était que fracas, et son génie consistait à trouver l’équilibre précis de terreur et de cajolerie nécessaire à ce que le public continue de téter sa mamelle. Ils se pacifièrent sous sa bénédiction.
Willa n’arrivait toujours pas à mettre le doigt sur la réticence de Iano à l’histoire Tig-Jorge. Ce n’était évidemment pas la personne de Jorge qui posait problème ; pour ce qui était de faire ses preuves, la cause était largement entendue. Peut-être était-ce juste un devoir de père de résister en voyant sa fille dériver vers un autre homme.
Rose et Aurelia débattaient de Mr. Dunwiddie comme s’il s’agissait d’une pièce de viande qui manquait de piment. Thatcher savait ce que les femmes avaient en tête quand elles parlaient d’améliorer un homme. Il se laissa aller à imaginer une autre vie. (…) Les ambitions frustrées d’une mère pèsent très lourd sur les épaules de ses filles.
Si je m’étais écoutée, c’est bien tout le roman que je vous aurais copié !
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