Tous les articles par Fabienne Vincent-Galtié - Auteure

Bonne année 2024 !

Avec des actualités géopolitiques, sociétales et écologiques plombantes, souhaiter que l’année soit belle et joyeuse est très certainement illusoire, mais je souhaite à chacun de nous de trouver la force et les raisons de s’enthousiasmer, se passionner, s’indigner, s’engager, rêver, se projeter dans un ailleurs meilleur, de faire les bons choix, de conserver un regard bienveillant et optimiste sur ce et ceux qui l’entourent et de donner le meilleur de lui-même aux autres. Chaque jour apporte sa pépite, qu’elle soit microscopique ou opulente, sachons la reconnaitre et nous en féliciter. Et puisque 2024 est une année à 366 jours, réjouissons-nous de ce jour bonus !

Image par Nicholas_Demetriades de Pixabay

Le train qui n’aimait pas les feuilles mortes

La ligne de train Paris-Toulouse par Orléans-Limoges, Polt, c’est tout un poème. J’ai connu la période des trains 100% Eco qui promettaient le meilleur comme le pire, la série des défaillances en tout genre et désormais nous sommes dans l’ère Double effet Kisscool, raréfaction des trains et retards systématiques ! En gros, sois heureuse d’avoir réussi à trouver une réservation, tu ne vas pas te plaindre pour un peu de retard !

Un peu ? Jusque-là entre une demi-heure et deux heures de retard à tous les coups ou presque. Avec un tel traitement, les voyageurs réguliers engrangent les bons de compensation. Bien que cachée au fin fond des catacombes de l’appli SNCF Connect, la fonction Indemnisation G30, je la trouve désormais en 3 secondes chrono. Même les yeux fermés, je crois que j’y arriverais. Payer le plein tarif ne m’est pas arrivé depuis des années-lumière et comme les retards s’accentuent, la Sncf va finir par me payer pour voyager !

Et me nourrir aussi. Ah le panier collation avec sa sucette au caramel, je me damnerai pour ! En ouvrant la boîte la première fois, j’ai cru que la Sncf y avait assemblé à la va vite des victuailles pour nous faire patienter. Mais que nenni, au fil des retards, voyant toujours la même boîte m’être proposée, j’ai compris qu’elle avait été pensée pour être ainsi. Une conserve de taboulé, une biscotte, une gourde de compote, deux biscuits secs et une sucette. Au caramel, toujours la même.

Quelques calculs, j’ai le temps. Je suis bloquée à Argenton.

580 kms séparent Cahors de Paris. Grâce aux compensations financières, je dois payer moins de 25 euros par trajet en moyenne, ce qui nous fait un tarif de 4 centimes le kilomètre. Imbattable ! Restauration incluse certains jours. Le bon plan ! A se demander pourquoi Le Petit Futé n’en parle pas.

580 kms pour une moyenne de 7 heures de trajet, ça fait du 80 kms heure. Même avec un tacot on irait aussi vite ! En 7 heures, je pourrais être à New-York. Eh bien, non, je ne vais qu’à Cahors !

Et encore si la Sncf est d’accord, parce qu’aujourd’hui elle a décidé qu’Argenton-sur-Creuse avait assez de charme pour qu’on y stationne un certain temps. Un temps certain.

Je ne connais cette gare que depuis, récemment ajoutée au programme des réjouissances. Avant, on filait, si l’on peut dire, devant son nez sans y prêter garde (y prêter gare ?), maintenant on s’y arrête. Une gare de plus sur le trajet, quelques minutes supplémentaires. Tandis que Bordeaux devient la banlieue parisienne, Cahors se fait Vom, ville d’Outre-Mer.

Cependant comme les Parisiens face aux problèmes de métro, les voyageurs POLT subissent sans broncher. Aujourd’hui c’est le summum. 15 minutes de retard avant Orléans pour « défaillance technique d’un train devant nous », 40 mn en arrivant à Argenton. « Le train de marchandises devant nous ne peut avancer à cause des feuilles mortes sur les rails ». Personne pour balayer ? « Nous allons stationner pour une durée indéterminée » Le balayage des feuilles mortes, ça me connait ! Je vais aller me proposer. « Retard estimé à 1h 30 ». Encore une demi-heure et j’obtiendrai 50% de compensation et une sucette au caramel, faut toujours apprécier le bon côté des choses.

« Notre train va faire une manœuvre dans quelques minutes pour pousser le train de marchandises et dégager la voie. Nous allons faire tampon. » Le coup du tampon, on me l’avait pas encore fait celui-là. Pourvu qu’on ne nous fasse pas descendre pour pousser !

Les minutes passent sans que notre train ne bouge d’un iota. « Retard de 2 heures à l’arrivée à Cahors. Motif : incident de circulation. » Nous y voilà.

Alors on tamponne ou on tamponne pas ? Un voyageur s’est levé, a interpellé un contrôleur. Le coup des feuilles mortes, c’est prévisible quand même, non ? Les feuilles tombent à l’automne depuis la nuit des temps, vous n’allez pas mettre ce phénomène sur le compte du dérèglement climatique ! Vous supprimez des trains et pour ceux qui roulent, ça va de mal en pis. C’est quoi ce bazar ?

Il fallait qu’il exprime, il n’attendait pas d’explication. Il n’en a pas eue. « Faites une réclamation et une demande de dédommagement » a répondu le contrôleur. J’ai failli lever le doigt « je vais vous montrer ! ».

Le train ne bouge toujours pas. « Votre gare ne sera pas desservie. Motif : panne de matériel ». On nous loge en plus dans ce cas-là, dans le meilleur hôtel d’Argenton-sur-Creuse ? Je suis curieuse de tester.

« Je vous informe de la situation, nous attendons une décision pour pousser le train. Je vous tiendrai au courant. »

Si la direction part déjeuner, on est cuit.

De nombreuses grosses minutes plus tard : « Nous vous demandons d’évacuer le train afin qu’il soit vide pour tenter de déplacer le train de marchandise devant nous. Un autre train est attendu pour la poursuite de votre voyage. Prenez bien toutes vos affaires, n’oubliez rien, vous avez le temps. Rendez-vous dans la gare pour d’autres informations. »

Du temps, j’ignore si on en a tous mais ce qui est certain c’est qu’on va en prendre, qu’on le veuille ou non.

Les gens se lèvent, les manteaux s’enfilent, les valises se redressent, le train se vide sans grognements ni précipitation. Des dizaines de voyageurs se pressent vers la petite gare, autant restent sur le quai.

Je suis de ceux qui optent pour la gare, bêtement j’obtempère. Mais les informations restent dans le train. Du moins c’est ce que je me dis après un bon moment d’attente sans que le moindre agent Sncf ne pointe son nez dans l’exigu local. Les gens s’informent entre eux, vont à la pêche aux infos plutôt.

« Il faut aller sur le quai 1 » assène une femme. Des voyageurs la questionnent, « qui a dit ça ? pourquoi ? » Je n’entends pas ce qu’elle répond, mais comme d’autres je la suis. Le quai est bondé. Une voix faiblarde retentit dans le haut-parleur. Des oreilles se tendent. Train… retard de 1h30…  Toulouse… « Le train pour Toulouse doit passer à quelle heure ? » je demande. « Aucune idée, je n’ai pas compris », déplore un quadragénaire vêtu de noir. « J’allais à des obsèques à Limoges à 11 h. » « Ah oui… c’est mort », j’ai failli lui répondre mais je me reprends à temps, « l’heure est passée ». « Je n’ai plus qu’à repartir », il dit.

Quelques personnes quittent le quai en trainant leurs valises.

Un groupe se forme autour d’une femme en blouson rouge. Je l’entends parler de train, de car… elle parle fort, sûre d’elle. Ma voisine de quai part aux nouvelles en me confiant sa valise. « C’est une employée de la Sncf, elle dit qu’il va y avoir un train pour Toulouse mais qu’on pourra pas tous monter dedans. Que des bus vont arriver aussi » m’explique t-elle à son retour.

La femme en rouge arpente le quai. « Des personnes voudraient remonter à Paris ? » hurle t-elle. Des voix s’élèvent. « Moi ! » « Moi ! » « Rassemblez-vous, j’ai besoin de monde pour demander un train ». Et dans son téléphone, elle hurle plus encore « Mais enfin, y’a quelqu’un ? Y’a quel-qun ? »

« Ils s’en tamponnent » je dis. Ma voisine sourit. « Midi, c’est pas la bonne heure. La pauvre, elle a été envoyée au charbon et elle se démène, mais elle est bien seule ! »

A ce moment-là un train lancé à toute vitesse vers Paris traverse la gare en klaxonnant. « En plus, ses collègues la provoquent » ironise ma voisine.

Une voix dans le haut-parleur : « Un autocar est mis à disposition pour Limoges, un autre pour La Souterraine puis Souillac et Gourdon » Deux jeunes ricanent. « C’est joli Gourdon, mais c’est un trou. On fera quoi une fois là-bas ? » « Je vais à Brive, dit ma voisine, ca ne m’arrange guère. »

Un bout de banc se libère, j’y pose une fesse et me met à lire.

« L’intercité 36… Toulouse est attendu avec … 30 de retard ». « Un train pour Toulouse va arriver ? » s’interroge ma voisine de banc. « Il faut croire, je lui répond, ils ont peut-être sauté le dessert. »

A ce moment, on entend « Le train 3619 va entrer en gare, merci de vous éloigner du quai. »

« Le voici enfin », je dis en rangeant mon roman.

Mais je le reprends au bout de quelques minutes ne voyant rien venir, telle la sœur Anne du conte.

« Il va entrer en gare mais on ne sait pas quand » commente ma voisine.

« Le dessert devait être trop appétissant, z’ont pas pu résister . » Mais un klaxon retentit ma réplique à peine formulée, et un train vient s’arrêter devant nous.

Miracle.

J’ai l’impression que tout le monde parvient à y trouver de la place sans difficulté. Double miracle. Le Dieu de la Sncf est avec nous, enfin !

« Pour les voyageurs qui viennent de monter en gare d’Argenton, des boîtes repas ont été déposées sur les plates-formes de chaque voiture. »

« Et on n’a droit à rien, nous ! » raille un vieux monsieur.

« Ca se mérite, monsieur, je lui réponds. Pour la boîte en carton, il faut s’être levé à 5 h du matin et avoir patienté 3 heures à Argenton ! »

« On a quand même 1h30 de retard, nous »

« Pas assez ! Recalé ! »

Il rit. « Et qui a-t-il dans votre boîte ? Que je sache ce que je perds. »

« Alors… du taboulé… de la compote… une biscotte… un biscuit… et la fameuse sucette ! » je clame en la brandissant.

« En effet ! s’amuse t-il. Je regrette de ne pas subir plus de retard ».

« Je vous l’offre bien volontiers. »

« Merci, j’ai les dents fragiles à mon âge. On arrive à quelle heure à Brive ? » demande t-il en se tournant vers un autre voyageur.

« Je ne sais pas, je descends à La souterraine. »

« Vous n’allez pas à des obsèques ? »

« Si, à La souterraine. »

« Les obsèques à Brive, c’est moi » dit son voisin.

« Alors c’est pas les mêmes du coup » commente le vieux monsieur.

« Non, on n’est pas ensemble. »

« Ah… je croyais. Ce qu’il y a comme obsèques… »

J’ai failli lui parler de l’homme en noir.

Le jeune homme métis face à moi, que je reconnais comme un naufragé d’Argenton, arrête le contrôleur qui remontait le couloir en mode flèche. Pas assez rapide le mec pour réussir à ne pas se faire alpaguer.  « Je vais arriver trop tard à ma formation à Montauban. Vous pouvez me changer mon billet de retour ? » demande t-il en brandissant son téléphone. « C’est à vous de le faire, Monsieur, par l’application. »

« J’ai un billet non échangeable » insiste le jeune homme.

« Vous êtes en première et vous avez un billet de seconde, vous devez changer de compartiment. »

« Mais enfin monsieur… » interviens-je indignée. Mais le contrôleur est déjà reparti, encore plus vite qu’en arrivant j’en suis certaine. « N’importe quoi ! » commente le jeune homme en haussant les épaules. « La Sncf a certainement lancé un concours interne, genre Trophée de l’aberration, dont on fait les frais, je ne vois que ça. Il en en bonne place pour gagner celui-là… »

En riposte, je saisis une demande de compensation sur mon téléphone. Train en retard ou train annulé ? J’hésite. Puisqu’il faut un billet et un numéro de train, ce sera Train en retard. Mais évidemment le retard est incalculable pour l’application. « Votre situation va être examinée par nos services » affiche la réponse automatique. Examinez, examinez, j’espère que des feuilles mortes ne vont pas venir bloquer vos neurones…

Nous arrivons finalement à Cahors avec 3h40 de retard. En attendant que la porte du wagon se déverrouille, je me dis qu’à l’heure où l’humain veut coloniser la Lune, se rendre sur Mars, quand quelques feuilles mortes bloquent un train de marchandises et ralentissent le trafic ferroviaire de tout un axe, l’aventure finalement n’est pas là où on la croit.

Image par Aleksejs Ivanovs de Pixabay

Les pépites

Chaque journée contient sa pépite, j’en suis convaincue, mais parfois il faut attendre le soir pour tomber dessus, parfois encore il faut se creuser les méninges pour identifier quel est ce moment qui a illuminé, ne serait-ce qu’un instant, sa journée.

Et parfois, la grâce vous tombe dessus dès le matin et de façon criante, et votre journée est ensoleillée pour de bon.

Il y a quelques jours, pour me rendre au boulot, je circulais dans un couloir de la station Nation. Dans l’escalier qui mène à la ligne 6, je remarquai un jeune homme qui s’était arrêté et disait à une femme coiffée d’un étrange chapeau mou : « Vous n’avez plus qu’à grimper ces trois marches et vous y serez. Ca ira ? » La femme lui répondit, sans que je comprenne ses propos, d’une voix de petite fille niaise qui dénotait avec sa large carrure.

J’étais installée dans une voiture de la ligne 6 quand j’entendis cette même voix de gamine. Je quittai des yeux mon bouquin pour apercevoir le chapeau de laine avachi. « Y’a quelqu’un qui descend à Nationale ? Parce que j’ai besoin d’être accompagnée. » Je lui fis signe que non, les autres voyageurs de notre petit groupe la regardèrent sans répondre. J’allais lui suggérer d’interroger l’autre extrémité de la voiture quand une femme élégante lui proposa de s’asseoir à côté d’elle. « Je vais plus loin que vous mais je descendrai pour vous aider. » La chapeautée la remercia vivement de sa gentillesse après lui avoir expliqué qu’elle avait des vertiges et qu’elle risquait, sans aide, de tomber dans les escaliers. « C’est tout à fait normal, madame, lui répondit l’élégante, dans la vie il faut se soutenir ».

Je quittai la rame avant elles, heureuse d’avoir assisté à cette scène. Ma journée commençait bien !

Quelques jours plus tard, je piétinai sur le quai à Nation, en rentrant après le travail, quand j’entendis à nouveau cette voix flûtée si reconnaissable. « C’est gentil, madame. » La femme au chapeau informe était accrochée au bras d’ une jeune fille qui semblait la guider jusqu’à l’escalier.

Je souris et les remerciai toutes les deux en pensée pour cette pépite du soir.

Depuis plus de 1000 jours

Il y a trois ans un cancer du pancréas m’était diagnostiqué. Taux de survie à 5 ans, 11%, ça fiche un coup sur la tête. Pourtant jamais au cours de ces plus de 1000 jours je n’ai cessé de croire en ma bonne étoile.

Aujourd’hui je vais bien. Le petit renflement sous ma clavicule droite, là où a été implantée une chambre d’injection, me rappelle quotidiennement qu’une récidive est encore probable, c’est mon Memori à moi. Je me souviens, mais la vie est la plus forte.

Plus que jamais, je suis reconnaissante envers le corps médical qui m’accompagne, le système de prise en charge français, mes amis et ma famille qui m’entourent. Merci à tous !  Et à mon étoile aussi, merci.

Image par Florian Pircher de Pixabay

Feuilles d’automne

Des monceaux de  feuilles partout, c’est l’automne qui se déshabille pour laisser l’hiver endosser son manteau de givre et de neige.

J’aime marcher sur ces tapis marron mordoré, soulever quelques feuilles à chaque pas, shooter dedans, les entendre craquer. Elles sentent les champignons, la tourbe et les feux de cheminées.

Et parfois aussi les ramasser.

Mais tout le monde ne les aime pas. Je viens de rencontrer un train de marchandises qui ne les appréciait pas du tout. Je vous le raconterai dans quelques jours, promis !

Mauvais coups de dés

Nous connaissons tous des moments galère où rien ne semble fonctionner comme il faudrait. Je vous ai déjà raconté un voyage en train émaillé de péripéties. Il y a quelques jours, j’ai à nouveau connu une paire d’heures embarrassante.

******************************************

En panne de drogue depuis une petite semaine, je partis en sifflotant, bravant la pluie et le vent, me réapprovisionner dans le quartier chinois de Belleville. N’ouvrez pas grand les yeux, je n’ai pas dit à Barbès ou La Villette ! Il y a drogue et drogue. Pour ceux qui l’ignorent, mes drogues à moi sont au nombre de trois, au moins, l’optimisme, le chocolat et une décoction de plantes que me prescrit un praticien en pharmacopée chinoise, et que je ne peux acheter que dans une herboristerie spécialisée.

RER plutôt que métro

Premier obstacle de cette virée dans le nord-est parisien, un rideau de fer devant ma station de métro. Coup d’œil à l’appli de la RATP, que j’aurais dû consulter avant de quitter mon domicile, coupure de la ligne sur quelques stations en raison « d’un malaise voyageur ». Reprise du trafic annoncée dans la demi-heure. Jamais encore vu ça, qu’une station ferme pour un simple malaise, c’était louche.

Je revins sur mes pas pour prendre le RER. A Nation, je bifurquai sur la ligne 2. Tout allait bien jusqu’à ce qu’une femme s’assoie face à moi et se mette à tousser par à-coups comme un vieux diesel – c’est du moins l’idée que je me fais de ce type de véhicule. Je crois l’avoir regardée de travers avant de sortir un masque de mon sac. J’aurais dû me protéger avant…

Porte close à Belleville

Dans le 20e asiatique, toujours la même agitation. Il faut supposer ce quartier, comme d’autres, imperméable aux aléas climatiques. En remontant la rue de Belleville, j’observai à nouveau l‘oeuvre de Ben, constatai que l’accrochage de la pancarte n’était toujours pas terminé (c’est fait exprès ? Ah bon !). J’avais encore le nez en l’air quand je me heurtai à une deuxième porte close, celle de l’herboristerie.

En l’absence d’affichage, j’appelai Google à l’aide. Il ne ferme jamais sa porte celui-là. Ouverture réduite cette semaine à quelques heures par jour du lundi au jeudi. Et on était… vendredi ! Pas de chance.

Je repassai devant l’accrocheur velléitaire de pancarte sans le regarder tout à mes pensées sombres.

Ni métro ni RER

Je repris le métro dans l’autre sens sans oublier cette fois de cacher mon visage derrière un masque. En arrivant à Nation, je regardai l’heure et, la demi-heure étant très largement passée, me dirigeai vers la correspondance de métro. Mais  un ruban de plastique rouge et blanc m’arrêta net. Mince. Le « malaise voyageur » n’était pas terminé. Il a dû mal tourner, je me dis, tout en repensant à la grille devant ma station de métro… C’était pas un malaise, c’est tout. Encore un bobard de la RATP.

Quelles que soient les raisons de la fermeture, il me fallait reprendre le RER.

Je rebroussai chemin encore une fois. Mais là encore mes pas furent stoppés par un ruban dont le rouge criait lui aussi Ne me franchissez pas sous peine de  sanction !

Pas d’autre solution que de remonter à l’air libre où le vent et la pluie me fouettèrent le visage. J’aurais dû chausser des baskets plutôt que des mocassins légers. Et me vêtir un peu plus chaudement. Mauvaise appréciation. J’avais faux sur toute la ligne.

Un bus en sauveur

Il me restait un peu plus de deux kilomètres à parcourir pour retrouver la tiédeur de mon appartement. L’arrêt de bus le plus proche était blindé de silhouettes encapuchonnées et gonflées par les épaisseurs de lainage ou le vent. Un bus direction Château de Vincennes était annoncé dans les cinq minutes. Coup de chance.

Les pieds gelés, me cachant derrière des cirés pour éviter les éclaboussures, j’attendis parmi les voyageurs en peine qui s’interrogeaient Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Ils ont dit qu’il y avait quelqu’un sur la voie, dit l’un. Un malaise voyageur, non ? dit un autre. Moi j’ai entendu Accident grave, objecta le troisième. Mais le RER et le métro ne passent pas par la même voie, observa le quatrième. Comme moi, ils n’ en savaient rien et toutes les suppositions étaient possibles.

Quand le véhicule se présenta, je jouai des coudes, marchai à petits pas comme un manchot, coincée dans la foule, pour y monter.  Serrée mais au sec, je regardai d’un air compatissant les malheureux  restés sur le trottoir. Un bus suit dans deux minutes, leur lança le chauffeur. Je me réjouis pour eux. Mais je déchantai presque aussi vite. Vous avez bien compris que le terminus est Cours de Vincennes ? Des voix s’élevèrent. On n’avait rien compris du tout, c’était quoi ça encore ! Le prochain bus, c’est pareil. Terminus Cours de Vincennes. Le brouhaha se poursuivit le temps que le bus reprenne sa route. Personne n’était descendu.

Il y a dans le Parisien standard un ressort de cassé, celui de l’indignation du quotidien. Il râle, il bougonne, il est triste, c’est sa façon de résister, lui qui ne trouve même plus anormal de passer une heure dans un bouchon sur le périphérique, deux heures dans le train pour traverser la ville, de rentrer chez lui après 22 heures, de parcourir à pied deux kilomètres pour palier les ruptures de transport en commun. Un quotidien exténuant, des conditions regrettables dont il s’accommode.

Quelques centaines de mètres plus loin, les portes du bus s’ouvrirent. Terminus !

Marcher en dernier ressort

Tous les passagers descendirent sans rechigner, sans même interpeler le chauffeur. Preuve qu’ils digèrent vite. Des têtes se tournèrent, à droite, à gauche, pour tenter de saisir un providentiel moyen de poursuivre la route. Et la foule s’ égrena.

Il me restait un gros kilomètre à parcourir. Je tirai ma capuche en avant, rangeai mes lunettes dans ma poche, acceptai pour de bon que mes chaussures fassent baignoire et  le bas de mon pantalon serpillère, et j’avançai d’un bon pas.

Un détour chronophage

Mouillée pour mouillée, je jugeai préférable de faire un petit détour par ma supérette de quartier pour ne pas avoir à ressortir en fin d’après-midi. Besoin de trois bricoles, et de chocolat aussi, vous l’avez compris, en bonne camée. Ca n’aurait dû me  prendre que cinq minutes, mais c’est toujours pareil, les bricoles s’aimantent. On en saisit deux et y’en a douze qui vous sautent dans les mains ! Pire que des puces.

Je me présentai enfin à une caisse automatique, un miracle qu’elle soit disponible,  les bras chargés et m’appliquai à scanner les articles les uns après les autres avant de les poser sur le plateau, tandis les files s’étiraient aux caisses manuelles. J’étais ravie de ma bonne fortune, j’allais pouvoir rentrer chez moi sous peu.

De file en file

C’est quand il fut question de payer que l’affaire se gâta. Carte refusée. Carte refusée. Hors service. Trois essais et au revoir ! Au-dessus de la caisse, la lumière verte rougit de colère, alertant le vigile. Encore ! dit-il. Elle bugue depuis ce matin, il vous faut changer de caisse, je n’ai pas d’autre solution. Nous balayâmes du regard les autres caisses. Sur les six, cinq étaient désormais en panne. Et une douzaine de personnes attendaient leur tour.

Je fis signe au vigile, quémandant un passe-droit. Placez-vous derrière le monsieur, m’accorda-t-il conciliant.  Mais heu…, vous pouvez payer en espèces ? Cette caisse n’accepte plus les cartes bancaires.

Je crois bien ne pas avoir répondu, même pas cillé, juste adopté un air de chien battu, avoir repris tous mes articles et être allé grossir la file de la caisse manuelle la plus proche. Je ne dis pas que l’envie d’abandonner tous mes achats sur un bout de gondole ne m’a pas effleurée. C’est peut-être le chocolat qui m’a fait tenir ou encore la perspective de rentrer bredouille-de-chez-bredouille. J’ai attendu stoïquement que mon tour arrive en regrettant de ne pas opté pour une caisse manuelle dès le début. Mauvais coup de dés.

Enfin !

Je finis par atteindre la caisse, par rentrer chez moi, aussi fatiguée que trempée. Je fis chauffer de l’eau pour le thé. Et engloutis la moitié de la tablette de chocolat.

Alors seulement je me dis qu’il fallait voir le bon côté des choses. J’avais bien marché, les nappes phréatiques se remplissaient, j’échapperai peut-être à quelconque contamination microbienne, la panne dans le métro n’était certainement que technique et ce goûter avait une saveur bien douce.

Photo : Michael Schwarzenberger de Pixabay

 

 

Mieux que des bonbons

Des livres pour enfant vendus 80 centimes à la sortie des écoles. C’est franchement mieux que des bonbons pour dépenser son argent de poche (et que les parents qui achètent des bonbons revoient leur copie aussi !) !

J’ai lu cette information dans La lettr’Optimiste de la Ligue des optimistes de France. Un rayon de soleil hebdomadaire que cette missive, que je lis depuis des années, porteuses de belles initiatives. Il y est donc question de l’association Lire c’est partir qui propose à la sortie des écoles, en itinérance, des livres pour enfants à tout petit prix pour promouvoir la lecture. L’association compte aussi quelques dépôts en France.

Moins d’un euro, c’est tout juste le prix de fabrication de l’ouvrage si je suis bien le discours de l’association. On pourrait débattre sur ce système. Ne vient-il pas entraver encore un peu plus la vente classique qui fait (mal) vivre auteurs et libraires ? Est-ce que les dentistes ne vont pas faire la gueule ? N’est-ce pas favoriser encore un peu plus le dérèglement climatique que d’utiliser du papier ?

Mais je dis bravo sans réserve. Les bienfaits de la lecture sur les enfants sont si évidents qu’il n’y a qu’à souligner le travail de cette association et souhaiter que les livres, peu importe d’où ils viennent, passent de petites mains en petites mains, se voient usés, cornés, tachés, déchirés… pour déposer dans les esprits de jolis petites graines de curiosité et d’imaginaire prêtes à germer.

Image par 10302144 de Pixabay

Le secret de la manufacture de chaussettes inusables

Il y a quelque temps, dans les rayonnages de l’entrepôt Emmaüs de Cahors, j’ai dégoté ce roman : Le secret de la manufacture de chaussettes inusables. Un drôle de titre et une couverture haute en couleur pour attirer le regard, un coup d’œil à la 4e de couverture – Ah oui, Annie Barrows, l’auteure de Le cercle des amateurs d’épluchures de patates, un roman épistolaire dont je garde un excellent souvenir – et j’ai empoché le roman.

Et je ne le regrette pas ! J’ai avalé les plus de 600 pages de cette saga familiale qui nous plonge dans la vie d’une petite ville d’Amérique lors de l’été caniculaire de 1938. La famille est celles des Romeyn, les anciens propriétaires de la manufacture de chaussettes, incendiée dans d’étranges circonstances. Cette famille pour le moins originale héberge dans sa grande maison une jeune femme de bonne famille forcée de travailler à la rédaction de l’histoire de la ville.

J’ai été littéralement entrainée par le récit, ses personnalités attachantes, le secret qui se dévoile peu à peu, le ton humoristique et l’instructif tableau de la société d’alors.

J’ai laissé ce livre à ma mère, j’espère qu’elle l’appréciera autant que moi !

 

Reprises en azulejos

La semaine dernière, je vous ai parlé du travail de Jan Vormann qui rafistole les monuments avec des plaques de lego. En y citant l’oeuvre d’Ememen, et sa façon bien à lui de réparer les trottoirs avec de la mosaïque, cela m’a rappelé un article de radio France,  signalé par mon amie Nicole (dont je vous parle souvent) à la suite justement de mon post sur cet artiste.

Il y est question d’une autre initiative de réparation de la chaussée, cette fois-ci par un collectif de femmes, les K-releuses, qui oeuvrent dans le nord-est de Paris, le long du canal de l’Ourq, avec des carreaux qu’elles fabriquent dans l’esprit Azulejos. La ville de Pantin en parle aussi.

Je m’étais promis d’écrire quelques lignes sur ce blog après être partie aux beaux jours sur les traces de ces carreaux bleus et blancs. Je ne les ai toujours pas vus de près mais l’envie est toujours bien ancrée dans mon esprit. Les initiatives de street art telles que celles-ci, vraiment, je trouve qu’elles embellissent la ville et la vie.