Archives mensuelles : février 2025

La boule à facette

J’ai envie de vous parler d’elle et pourtant je ne la connais pas. Je ne sais même rien d’elle.

Je l’ai aperçue deux ou trois fois sur le quai du métro à la station Quai de la Gare, en allant travailler de bonne heure le matin.

Facile à repérer. On ne voyait qu’elle. Aussi clinquante qu’une boule à facettes.  Des paillettes du sommet du crâne – serre-tête à froufrous lamés – jusqu’aux baskets en plastique doré. Blouson en lurex argent, jupe corolle strassée multicolore, collant argenté. Une tonne de bimbeloterie par-dessus le tout, aux oreilles, autour du cou, aux poignets, aux doigts. Fugitive rencontre, la rame déjà repartait.

Une fois, elle est montée dans le wagon. La soixantaine avancée, je dirais, des rides en pagaille, un cou plissé qui tranchaient avec ses fringues de princesse de dix ans et son gabarit fluet. Un drôle d’oiseau. Elle fredonnait, souriante, faisant cliqueter ses bracelets comme des maracas. De fins cheveux blonds retenus en arrière par une pince, assurément brillante. Des yeux bleu clair aux paupières fardées elles aussi de bleu. Bleu irisé. Des gestes larges, avenants, Montez messieurs dames y’a de la place. Gouaille aux accents parisiens. Relent de faubourg.

À peine croisées. C’est moi qui ai quitté le métro à la station suivante.

Hier, je l’ai revue. En milieu de matinée cette fois-ci, je l’ai tout de suite repérée sur le boulevard en contrebas de la station aérienne. À l’extrémité du passage clouté, elle gesticulait, allègre, pour faire circuler les voitures tel un agent de police éméché. Je l’imaginais, Passez messieurs dames, passez !

D’aucuns doivent la trouver foldingue. Douce folie qui fait valser la vie.

Que cachent sa jovialité et son besoin d’illuminer son quotidien ? Je ne peux qu’imaginer des blessures profondes, un traumatisme à enfouir sous des tonnes de paillettes, un sourire sparadrap, la volonté inébranlable d’aller bien quand tout va mal.

A moins qu’elle soit née étoile. Filante sur les boulevards parisiens. A bientôt peut-être, je ferai un vœu en la croisant.

Image : Ulrike Mai de Pixabay

La tête à l’envers

Vous connaissez mon admiration pour Thomas Pasquet, j’en ai parlé. Quand j’ai appris qu’au siège administratif de l’Agence Spatiale européenne, situé à Paris près de l’Unesco, on pouvait découvrir la vie des astronautes dans la station spatiale, j’y ai (presque) couru. C’est dans l’Astrolabe, un espace pédagogique, que ça se passe, casque de réalité virtuelle vissé sur le crâne le temps d’une expérience immersive. J’en ai encore la tête à l’envers !

 

 

 

Les frémissements de l’âme

The Soul Trembles est le titre de l’expo éphémère et phénoménale de l’oeuvre de Chiharu Shiota au Grand Palais (Paris). Et elle est réellement incroyable. D’abord on ne peut que se demander comment procède l’artiste pour tisser pareillement des fils, dans des volumes aussi gigantesques, qui forment des voûtes, des cocons, qui donnent l’illusion de pleins et de vides, de matière et de légèreté. Parce qu’ensuite viennent les émotions que ces oeuvres vont chercher dans les tréfonds de nos âmes, qui frémissent alors certainement.

J’aurais aimé grimper sur le gigantesque escalier de valises, mouvant, incertain, comme Jack sur le haricot magique, m’allonger dans une barque tirée, vers quoi ?, par un blob rouge, plus merveilleux qu’inquiétant, me reposer près du piano brulé, emprisonné dans des toiles d’araignées noires qui imposent le silence malgré le brouhaha.

Il y a l’artiste indissociable de son oeuvre. « Je n’aimerais pas être dans sa tête » ai-je entendu dans la foule. Pour parvenir à nous embarquer pareillement, C. Shiota a emprunté bien des chemins sombres et d’autres plus lumineux. Et ce contraste nous saisit.

La bibliothèque des livres retirés

A la fin de l’été dernier, alors que je lisais Le cimetière des livres oubliés de Carlos Ruiz Zafon, je découvris une bibliothèque bien fournie dans un cabanon de jardin là où je passais quelques jours de vacances. La bibliothèques des livres retirés. La plupart, bien abimés, avaient du vécu. Etaient-ils encore manipulés, lus ? J’en doutais. Retirés du monde, ils veillaient dans le silence tels des moines chartreux.

Les charmes discrets…

Je l’avoue, je n’avais pas lu Douglas Kennedy jusqu’alors. Il a fallu que « Les charmes discrets de la vie conjugales » attirent mon attention, il y a quelques semaines, sur l’étalage d’un bouquiniste.

Quelques pages tournées et, déjà, j’étais sous le charme de ces charmes discrets.

La plume de Douglas Kennedy est magnifique, le thriller haletant. Et puis il y a le fond de l’histoire qui nous mène de réflexion en réflexion, sur les questions du couple, des idéologies, des dérives du puritanisme américain et de l’emballement médiatique.