Le père Noël chez les Panou

Conte de Noël
Il était une fois une jolie maison dans un village portant le nom bizarre de Toulmondicroy.
Préparatifs
Alors qu’en cette veille de Noël, tous les habitants du village se trouvaient dans un état d’effervescence à faire sauter le bouchon, dans la maison de la famille Panou, c’était beaucoup plus calme. Le petit Gaspard était parti se coucher, certain de trouver le lendemain matin au pied du sapin en bois de palettes recyclées le grand livre sur les animaux en voie d’extinction qu’il feuilletait lorsqu’il se rendait chaque mois avec ses parents à la librairie de la grande ville voisine. Ces derniers avaient promis de le lui offrir pour Noël s’il continuait à se montrer toujours aussi prévenant et gentil avec son copain Matisse,  « un pauvre gamin en situation de handicap, doté de parents démissionnaires, dans une maison qui sent le chien mouillé ». Il a bien besoin de ton amitié, disaient-ils, mais Gaspard trouvait que c’était plutôt lui qui avait bien besoin de son copain et peu lui importait sa jambe qui trainait et son odeur de fauve. Matisse racontait plein de blagues rigolotes, attrapait les insectes avec les doigts, savait repérer les empreintes des animaux et cueillir des herbes. Dans la forêt il était comme chez lui, normal avec un père bûcheron.
Mensonges
Chez les Panou, arrivés de la ville trois ans plus tôt, on travaillaient à domicile sur ordinateur et on se changeait de pied en cap en rentrant de promenade.
Matisse croyait dur comme fer au Père Noël et Gaspard avait interdiction de lui rapporter que cette histoire de barbu avait été inventée par les parents avec pour seul objectif de faire tenir sage leurs enfants. N’importe quoi comme la fable de la petite souris… Bref.
Au lit !
Alors que l’horloge de l’église affichait une heure trente, Matisse s’était enfin endormi après avoir regardé, en famille, un film policier et joué avec sa petite sœur Laura à celui qui sauterait le plus haut sur le lit, comme les deux puces excitées qu’ils étaient à l’idée du cadeau surprise que le gros bonhomme à la barbe blanche aurait choisi pour eux.
A cette heure de la nuit, Gaspard tentait de dormir comme l’enfant sage qu’il était, après avoir déchiffré une histoire avec l’aide de sa mère, reçu deux bisous et un Bonne nuit mon chéri, dors bien, demain on ouvrira nos cadeaux. Il songeait à son copain. Il était tellement difficile à seulement presque six ans de tenir sa langue, surtout pour ne pas révéler un mensonge aussi énorme des adultes ! Il était heureux que ses parents ne soient pas des menteurs, eux, mais ça lui gâchait un peu la fête de se sentir dépositaire de ce secret et il l’aurait bien partagé, juste avec Matisse. Le problème, c’était Laura, ses trois ans, son ouïe super fine et sa langue bien pendue.
Un drôle de visiteur
Pendant que Gaspard bataillait avec sa conscience, un homme de rouge vêtu s’approchait furtivement de la maison des Panou. Ses bottes crissaient sur le tapis de neige fraîche et il devait souvent s’arrêter pour réajuster sa ceinture qui glissait sous son gros bidon. La faute à un excès de dinde au réveillon. Et au 364 dîners précédents. Il n’avait plus un métabolisme de jeune homme, c’était bien le problème. « Promis demain je me mets aux endives braisées ! Allez, encore une cheminée un peu difficile à franchir et ça ira mieux ! » pensa-t-il en lançant un regard expert vers le conduit un peu plus étroit qu’il ne l’espérait.
Avec un soupir, il entreprit de descendre dans la cheminée, ses bottes glissant contre les briques mais il se rendit compte, à mi-chemin, de sa terrible erreur. Il aurait dû passer par la porte. Son abdomen festif venait de se coincer dans le conduit et c’était pour le moins fort embarrassant.
A l’aide !
Le Père Noël s’éclaircit la gorge. « Hum, les rennes, vous ne pourriez pas m’aider s’il vous plait ? » Mais les rennes ne l’entendaient pas, épuisés comme ils l’étaient à tirer depuis des heures une hotte remplie et leur patron bien trop nourri  qui, de son côté ne pouvait guère se risquer à hausser le ton pour ne pas réveiller toute la maisonnée.
Effet papillon d’un IMC majoré : après le coeur, les genoux, les cheminées, et les animaux volants. Vivement les endives.
Le bazar
Pour tenter de débloquer la situation, son ventre surtout, le Père Noël agitait les jambes d’avant en arrière dans d’étranges soubresauts comme un patin devenu fou.
C’est alors qu’arriva Gaspard, dans son pyjama à queue de lapin, les cheveux en bataille et les yeux piquant de sommeil. « Qu’est-ce que c’est que ce bazar ? » demanda-t-il en voyant une paire de bottes qui dépassaient du foyer. « T’es le Père Noël ? » ajouta-t-il, une pointe d’incrédulité dans la voix. « Et qu’est-ce que tu fais coincé là-dedans ? »
« Ho, ho… hum… oui, c’est moi, le Père Noël », répondit une voix étouffée assortie d’un soupir de frustration.
Gaspard croisa les bras, bien décidé à mettre à jour l’imposteur. « Je ne te crois pas, le Père Noël n’existe pas. Tu es une histoire pour faire rêver les petits, mais moi je suis grand ! »
Le Père Noël, légèrement vexé mais amusé par ce petit bouchon qui jouait au cador, répondit : »Ah, les parents… Toujours à vouloir que leurs enfants grandissent trop vite. Mais dis-moi, si je n’existe pas, qui est en train de parler avec toi en ce moment ? »
Le bambin haussa les épaules avec un sourire. « Peut-être un cambrioleur un peu bizarre qui voudrait se faire passer pour le Père Noël ? Mais comment t’as fait pour te retrouver coincé là-dedans ? »
Le Père Noël ricana, sa voix résonnant dans le séjour silencieux. « Eh bien, disons que j’ai un peu abusé des biscuits cette année. C’est ma petite faiblesse, hélas. Et toi, c’est quoi ? « 
Et de trois !
Gaspard allait répondre que sa maman lui donnait un fruit et un yaourt à quatre heures mais que le marbré de la mère de Matisse était vraiment trop bon, quand la maman en question se présenta à son tour dans le séjour, alertée par d’inhabituels bruits de voix.
« Gaspard, avec qui parles-tu ? » demanda-t-elle un peu inquiète.
Les yeux du fiston s’allumèrent, il poussa un petit rire étouffé. « Je discute avec quelqu’un qui prétend être le Père Noël », répondit-il sur le ton de celui qui fait une bonne blague. Charline haussa un sourcil, incrédule, jusqu’à ce qu’elle remarque les jambes bottées qui pendaient dans la cheminée comme deux jambons secs. « Ca alors, c’est la meilleure surprise de Noël qu’on m’ait jamais faite ! Mais sérieusement, qui que vous soyez, comment êtes-vous arrivé là ? »
« Un brin d’excès alimentaire, une cheminée étroite et voilà où j’en suis, déplora-t-il. Vous ne pourriez pas m’aider au lieu de vous bidonner ? »
Boum !
Gaspard et sa mère saisirent chacun une jambe et tirèrent dessus tant qu’ils purent. Si bien qu’une botte alla atterrir sur le canapé mettant à jour une magnifique chaussette rayée trouée sous le gros orteil. « Tu joues au foot ? » demanda Gaspard. « J’ai bien envie de vous chatouiller la plante du pied » le taquina Charline. « Vous pouvez pas plutôt tirer encore un peu ? » suggéra le gros bonhomme.
Finalement, après une série de contorsions particulièrement comiques, de Hu ! et de Ha  ! de la part des trois protagonistes, le Père Noël tomba dans l’âtre comme un poids mort.
« Ouf ! lâcha-t-il avant de lisser sa barbe, d’ajuster son manteau, assorti à ses joues devenues écarlates, et de réenfiler sa botte noire. « Je vous dois un grand merci à tous les deux. Tiens Gaspard, voici ton cadeau. Et pour vous Charline un autre, vous le méritez bien ! »
Le nuage magique
Il siffla. Un nuage aussi blanc que la neige descendit par la cheminée et vint s’enrouler autour du vieil homme. Juste avant d’être totalement enveloppé, il adressa un clin d’œil à Gaspard. « Continue de croire aux petites choses magiques, d’accord ? « Et se tournant vers Charline : « Et vous aussi, la vie est tellement plus belle quand on accepte l’irréel ! »
Sur ces paroles mystérieuses, il disparut dans le nuage qui ne tarda pas à s’évaporer sur du vide, laissant la mère et le fils échanger un regard aussi étonné que complice. « Mais comment il a fait ? » demanda Gaspard. « La magie de Noël ! » répondit Charline.
« Viens, on va dormir, on ouvrira nos cadeaux demain » dit-elle en entrainant son rejeton.
Gaspard ne rechigna pas, il affichait même un visage barré d’un immense sourire et des yeux plus malicieux encore qu’à l’accoutumé.
Il avait désormais, bien plus important qu’un cadeau à déballer, un merveilleux secret à partager avec Matisse.
Et c’était vraiment le plus beau cadeau au monde, foi de Gaspard !
Image par Oberholster Venita de Pixabay
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