Je suis allongée dans mon lit de jeune femme. Les yeux fermés. Tant de choses passent par ma tête. Je connais chaque bosse du matelas, chaque couture de l’édredon. Je n’ai qu’à lever la main, avec un angle dont j’ignore les degrés mais qui s’ajuste précisément, pour atteindre l’interrupteur.
J’entends le coq qui lance sa triple note chevrotante comme s’il s’étouffait. Et qui recommence pourtant trois fois de suite. Je sais que le jour commence tout juste à poindre même si derrière mes paupières closes, derrière les volets fermés, il serait bien difficile de le deviner.
Un long chuintement au loin qui signale le passage du train par vent d’est, quelques grondements de moteurs dans la rue devant, le claquement sec du placard dans la chambre de mes parents derrière la cloison, le craquement de la charpente, les ronflements de ma mère, le gargouillis du chauffe-eau dans la salle de bain, des pas étouffés sur le parquet…
J’ouvre les yeux. Le soleil filtre à travers les lattes du volet. Mes souvenirs me mordent les sens. Les autres lits sont vides. Personne d’autre que moi ne va se lever. Il n’y a plus que des fantômes dans cette maison.
Après mon père, ma mère. Mes parents sont partis pour toujours.