Archives mensuelles : avril 2023

Oscar et Mamie Rose

A Mortemart ( un nom qui m’évoque Harry Potter, allez savoir pourquoi), charmante bourgade de Haute-Vienne, quelques rares personnes dans les ruelles, un chien et deux moutons aperçus dans un pré, un ciel gris menaçant et une seule boutique ouverte ce lundi de Pâques. Une bouquinerie. « Ici on trouve des livres et de quoi discuter », l’offre était alléchante.

Effectivement, un moment plus tard, ma tête était enrichie de conseils de visite et mes bras chargés de livres. Parmi eux, un mince roman, Oscar et la dame Rose d’Eric-Emmanuel Schmitt (une œuvre datant de 2009, devenue culte, déclinée en pièce de théâtre et film… et qui m’avait complètement échappée, je dois l’avouer. Je me suis renseignée depuis). C’est dans la salle d’attente de mon médecin que j’ai décidé de le lire, en espérant sans doute ne pas avoir le temps de l’y terminer malgré sa modeste longueur. Vœu pieu. Mais qu’importe puisqu’il m’a offert un doux moment de lecture.

Oscar a 10 ans et il est mourant. Ses parents sont désemparés, son chirurgien honteux, les infirmières désarmées. C'est auprès de sa visiteuse, Mamie Rose, qu'il trouve du réconfort. Elle lui donne les clés pour vivre sereinement ses derniers jours. Un roman délicat dans lequel l'auteur a su parler de la douleur, de la tristesse, de la souffrance avec poésie, philosophie et humanisme. Une belle leçon de vie et de mort.

D’ailleurs, je l’ai offert à mon médecin, ce joli livre, aussitôt entrée dans son cabinet, en  étant certaine qu’elle l’appréciera. Peut-être même qu’elle le donnera à son tour à l’un de ses patients, je sais qu’elle aime leur prêter des romans dont la lecture, dit-elle, peut leur faire du bien. Passeuse de livres, elle l’est elle aussi.

Image : extrait de la couverture Ed.Livre de poche

mascara

Métroquillage

La rame de métro n’est pas bondée, c’est une chance, je vais voyager assise. Confort appréciable durant la grosse vingtaine de stations qui m’attend. Je vais pouvoir terminer mon bouquin.

Je m’installe sur un siège, contre la fenêtre, après avoir bousculé bien malgré moi deux jeunes qui discutent en obstruant l’allée. Excusez-moi ! leur ai-je dit en me faufilant entre eux sans qu’ils mouftent le moins du monde. Ni regard ni « c’est pas grave » ou je ne sais quoi d’autre. Rien. Même pas sûr qu’ils m’aient remarquée. La solitude habituelle de la foule, même si la foule ce matin-là n’est pas dense.

La femme

À peine ai-je sorti un bouquin de mon sac à dos et lu une dizaine de lignes, qu’une femme se glisse sur le siège face à moi. Je reprends ma lecture sans être encore assez absorbée par le récit pour ignorer qu’elle se mire dans un miroir de poche et sort une trousse dodue de son sac. Une métroquilleuse ! C’est ainsi que j’appelle ces femmes qui n’hésitent pas à se maquiller dans le métro, sans se soucier le moins du monde de leur entourage. Des manières qui m’ont toujours paru bizarres, presque indécentes mais je ne suis qu’une vieille rombière.

Parer son visage, c’est choisir de montrer un soi plus engageant. Comme s’habiller avec soin. Ainsi donc elles parient sur le fait que, de leur domicile jusqu’à leur installation dans le métro, elles ne rencontreront personne à qui elles aient envie de faire bonne figure. Un peu comme moi le samedi matin quand je vais acheter le pain pour le petit-déjeuner en cachant ma chemise de nuit sous un trench. En même temps, j’ai moins de cinquante mètres à parcourir, mon trench est bien enveloppant et ma tête au réveil est la même que celle de toujours. Ni mieux ni pire.

La métroquilleuse

Mais revenons aux métroquilleuses. En poussant un peu le raisonnement, voire le bouchon, on pourrait se demander pourquoi elles ne finiraient pas de s’habiller dans le métro, tant qu’à faire, tant qu’à ne croiser personne de connu d’elles. Ni leur patron.ne, ni leur belle mère, ni Brad Pitt. Paris est un village dit-on et ce n’est certainement pas dans un village que quelqu’un, ô le ou la malotru.e, oserait se prêter à pareil spectacle.

Un coup de rouge à lèvres, passe encore. Mais parfois, c’est ravalement de façade !

C’est ce qui m’attend, j’en ai bien l’impression. En effet, la femme ouvre un boîtier et applique sur son visage du fond de teint avec une petite éponge. Faut pas l’humidifier au préalable, l’éponge ? Elle a dû prévoir. Elle range le boîtier et sort un pot. Dans lequel elle trempe un gros pinceau et en tapote son visage. Rien qu’à la vue de cette poudre qui volette, j’ai le nez qui picotte. Si c’était autorisé, je me lèverai bien pour ouvrir la fenêtre.

Une trousse bedonnante

Un jeune homme s’assoit à côté d’elle, après avoir froncé les sourcils à la vue de la trousse ouverte sur les genoux de sa voisine. Une trousse trop garnie qui me fait penser à un poulet farci qui attend d’être cousu et mis à cuire.  La femme observe soigneusement le résultat dans son petit miroir. Tourne la tête, approche le réflecteur. Diantre, un point noir ? Je ne vois pas comment ce serait possible sous pareil crépi.

La métroquilleuse retire maintenant un autre boîtier de sa trousse. Petit et rond. Mais bien sûr, du blush ! ! Un petit pinceau, un coup sur la pommette de droite, un sur la pommette de gauche, un coup d’œil dans le miroir. J’ai bien envie de lui dire qu’elle y est allée un peu fort, que franchement elle était mieux au naturel, mais je suis censée lire.

Son reflet d’ailleurs ne doit pas la satisfaire, car elle ajoute quelques touches de terracotta sur le front et le menton. On aborde le pointillisme, là.

Je pense à la Joconde, non pas que cette femme me la rappelle vous vous en doutez, plutôt par le biais de l’art. Si notre cher Leonardo l’avait peinte au vu et au su de tous les visiteurs du Louvre, aurait-elle son aura, son mystère d’aujourd’hui ?

L’ouvrière

Arrive le tour de l’ombre à paupière. Je devais m’y attendre mais là où je redoutais du bleu ou du vert pailleté, elle a le bon goût, si l’on peut dire, d’appliquer du prune. Disons que c’est moins pire. Sous les trémoussements du train, le minuscule pinceau a fait quelques dégâts que Dame Ripolin s’attache à gommer en lissant ses paupières du bout de son index. Exercice plutôt réussi je dois reconnaitre, même si un œil parait un plus grand que l’autre. C’était peut-être le cas avant sans que je le remarque.

Et puis vient le mascara, l’indispensable, juste au moment où le voisin de siège lui envoie le bout de son écharpe en pleine façade en se levant. Elle lui lance un regard agacé. Non mais ! Heureusement la peinture était sèche et le mascara encore dans son étui.

Je me rappelle ce voyage en train où l’une de mes co-voyageuses avait passé une partie du voyage à se manucurer les ongles. Du moins je le suppose. D’abord mes dents avaient grincé sous les coups de lime. Longs et appliqués. Puis une odeur, celle de l’acétone, qui prend les poumons. Et enfin celle du vernis. Acre et persistante. Combien de couches ? Je n’en avais rien su mais assez pour que le wagon soit contaminé pour de bon. La gêne est farceuse, elle ne choisit pas toujours le bon côté.

Appliquer du mascara dans un train en marche, bon courage ma cocotte, je me dis. C’est un truc à bavures. Je m’en bidonne d’avance de tes yeux de panda ! Mais c’était sans compter sur les heures de pratique de la Belle. Même dans un tank en manœuvre elle y serait parvenue. L’œil écarquillé, un petit coup de brosse en haut, un petit coup en bas. Net et… sans bavure.

Durant quelques secondes, elle ne cille pas. Le temps de ranger son tube, le temps que ses cils sèchent. Finalement elle aura réussi son coup. Je ne la trouve pas très jolie. Le maquillage trop appuyé, les vêtements quelconques. La sophistication est un art subtil. Je replonge le nez dans mon bouquin. À cause de son tintouin, je n’aurai rien lu.

Le comble

Mais voilà qu’elle saisit dans sa trousse un tube élancé. Un gloss ?

Non. Un eye-liner. Je n’en crois pas mes yeux qui, eux, sont à poil. Elle va quand même pas s’en mettre ? Pour le coup, ce serait jouer à la roulette russe avec cinq balles dans le barillet.

Et si.

Le bouchon de l’eye-liner sur les genoux, le miroir dans une main, le pinceau dans l’autre, délicatement saisi du bout des doigts. Un œil fermé. Le pinceau s’approche du coin interne. Recule. S’y pose à nouveau. Recule. Je me demande jusqu’à quel point elle va le rater son trait. Comment elle va s’y prendre pour effacer son massacre.

Le métro tressaute. Dame Ripolin, le coude levé, attend.

Puis, à peine la rame stabilisée dans la station, elle pose l’extrémité du pinceau au coin de l’œil, sans hésitation, pile dans le mille, comme une infirmière aguerrie la pointe de son aiguille. Et tire le pinceau sur tout le bord de l’œil laissant derrière lui une belle trace noire, fine et régulière.

Le trait tout juste terminé, le métro repart. Elle ouvre délicatement son œil et observe son travail dans le petit miroir

Quand le métro freine, je la sens prête à recommencer. En effet, elle ajuste son miroir, lève le coude, ferme l’autre œil. Je jette un regard au monsieur bedonnant qui vient de prendre place à côté d’elle. Un mouvement de sa part ruinerait l’affaire. Mais elle ne semble pas s’en soucier.

Le train se stabilise, elle dégaine son trait, à reculons, sur l’autre paupière. Avec une même assurance et un résultat tout aussi satisfaisant. Même dans la quiétude de ma salle de bain avec miroir fixe et tablette à portée, je n’atteindrais pas le quart de son résultat. Je suis bluffée.

Chapeau bas, Madame.

L’art de faire et de plaire

D’ailleurs la désormais métroquillée se mire attentivement puis remise son rimmel dans la trousse, l’air satisfait. Sors un tube de rouge, l’applique sur ses lèvres en deux mouvements. Le B.A.BA de l’ouvrière qu’elle est. Montre ses dents au miroir. Et range la trousse dans son sac, avant de tourner son visage vers la fenêtre pour regarder le mur défiler derrière.

Le ravalement est bel et bien terminé. Elle peut envoyer la facture.

Plus que deux stations avant que je descende. Il est trop tard pour lire. Je range mon roman dans mon sac à dos et regarde machinalement les voyageurs assis de l’autre côté de l’allée. Parmi eux, une femme à laquelle je ne saurais donner d’âge, musulmane certainement, robe grise longue et foulard ajusté. Pas un cheveu ne dépasse. Elle pourrait n’être qu’une forme triste et terne si ses yeux d’un noir insondable, magnifiquement brunis, ces cils courbés et son teint parfait n’appelaient les regards. Magnifiquement maquillée. Paradoxale. Équivoque. Troublante. Qui veut-elle séduire, cette métrokilleuse ?

Images  Pixabay (Karolina Grabowska, Dennis Von Dutch et Bruno /Germany)

Les bruits de la campagne sont à l’intérieur

Un gîte dans un hameau au coeur du Limousin. Au dehors les oiseaux chantent. On n’entend qu’eux. En prêtant l’oreille, un aboiement au lointain, un coassement peut-être. Rien de plus. Même la chèvre et les poules voisines se taisent.

Mais dans la maison, c’est le raffut ! Ca brait, beugle, cancane, hennit, bêle, criaille, cacarde, caquette… dans le couloir. On ne s’entend plus !

Les homards du Titanic

Si vous croyez la situation désespérée, pensez aux homards dans l’aquarium du restaurant du Titanic.

Cette citation qui tourne depuis quelques jours sur les réseaux sociaux m’a fait sourire.

Croire dans un meilleur toujours possible. Tout peut arriver, comme la  rencontre enchanteresse entre Marie et Claire dans Merci Gary, mon second roman. Des miracles, il y en a, et s’il est parfois difficile d’y croire, ne jamais être celui qui lâche prise deux secondes avant un prodige, foi de homards !

Image par WikiImages, Pixabay

Tellement belles

Elles sont tellement belles ces phrases que j’aurais pu les écrire dans un carnet, comme je m’y adonnais ado. Pour mieux les déguster, pour m’en imprégner. Des phrases poétiques qui mettent des mots justes sur des sentiments.

Je n’ai plus de carnet à phrases aujourd’hui, mais un téléphone avec lequel j’ai eu envie de les capturer pour vous les partager.

Tous ces passages proviennent du roman de Jon Kalman Stefansson, Ton absence n’est que ténèbres, dont j’ai déjà parlé. Rapidement. Que dire en effet sur un livre aussi puissant ? Rien.

Aussi je vous laisse lire les passages entre les traits jaunes. Je vous les offre à la façon d’un bouquet de fleurs. En nombre impair comme des roses.