Miroir terni
Immense, autrefois majestueux
Le tain piqué d’innombrables tâches de vieillesse
Il en a vu passer des silhouettes
se regardant dans son eau
Celles qui doutaient, celles qui s’aimaient
D’autres qui filaient devant lui sans même le voir, sans même se voir.
Pressées ou indifférentes.
Il a vu bien des tables, des canapés, des papiers peints et des tapis,
Changé de lieu plusieurs fois
Il en a aimé certains plus que d’autres
Des gens aussi.
C’est la vie.
Aujourd’hui il est fatigué.
Son tain s’obscurcit toujours plus
Il ne réfléchit plus guère,
n’a plus à tête à ça.
Un antiquaire pourrait le rajeunir
Lui offrir une seconde vie
À quoi bon ? la première a été riche
Il attend son heure
Inutile, serein, ridé.
On le laisse tranquille, jusqu’à ce que quelqu’un décide qu’il n’est plus bon à rien et le mette au rebut.
Ça viendra un jour.
En attendant Il continue à observer la vie, les gens
Immuable et muet, ignorant son âge.
Il sait juste qu’il est bien vieux, las
Mais que la vie est intéressante à regarder.
Alors de son œil cataracté, il veille la vie qui passe.
En entrant chez mon fils, ce miroir aussi défraîchi qu’imposant m’a tout de suite frappé. Parce qu’il renvoie une image troublée, parce qu’il parait si vieux que bien des vies ont dû passer devant ses yeux, il m’a donné envie d’écrire ces quelques mots.