J’étais en train de croquer un sandwich dans une cafétéria grise et bruyante d’aire d’autoroute quand une scène a ensoleillé ma journée. Un vrai petit bonheur !
Un quadra trapu bataillait devant un distributeur automatique de boissons. Au moment où il renonçait et se tournait vers la machine voisine, un quinqua flamboyant se planta devant cette même machine et inséra une pièce dans la fente du monnayeur. « Hé ! » râla le premier, « j’étais là avant vous, ça se fait pas, ça « . Le quinqua stoppa net son activité et lui décerna un large sourire. « Je ne vous avais pas vu, je vous en prie » lui dit-il en reculant d’un pas. L’autre continuait de maugréer : « C’est pas des manières. » Le quinqua se rapprocha et, enveloppant du bras l’épaule du quadra, il l’engagea à se positionner devant le distributeur. L’autre poursuivait malgré tout sa plainte : « Parce que j’étais là avant vous ».
—Je sais, monsieur, je ne vous avais pas vu, temporisa le quinqua d’une voix claire et posée. Allez-y, servez-vous !
—La machine est bloquée, vous avez mis une pièce !
— Je vous offre bien volontiers ce café.
— Il n’en est pas question !
Le quinqua appuya sur le bouton pour libérer la pièce. L’autre inséra sa propre pièce et programma son café.
— Une pause et un café, ça fait du bien quand on conduit, assura le quinqua pendant que la boisson coulait.
— C’est vrai et il faut savoir prendre le temps. Les vacances ne font que commencer.
— Ah, vous êtes en vacances, alors profitez-en bien !
Le plus jeune récupéra son gobelet et sourit au plus âgé en lui laissant sa place devant le distributeur. Ce dernier lui rendit fort chaleureusement son sourire.
— Au revoir, Monsieur !
— Au revoir, Monsieur, bonne route !
De l’élégance pure.