Lors d’une visite avant-hier soir au musée du quai Branly, j’ai été littéralement conquise par la rivière de mots, ces vagues lumineuses qui semblent couler comme des phrases qu’elles ne sont pas, qui ne disent rien et pourtant disent tout en nous entraînant dans leur mouvement.
Imaginez, pour ceux qui n’ont pas eu l’occasion de voir cette oeuvre, des milliers de mots étranges, piochés dans les collections du musée, plaqués au sol et animés par de nombreux projecteurs, donnant l’illusion d’une eau en mouvement coulant dans une allée de béton.
Impressionnant !
Impressionnant !
Une vidéo pour vous aider à imaginer l’impression que procure cette illusion :
Les intentions de l’auteur : CHARLES SANDISON
« Les fleuves constituent le système circulatoire de notre planète. Coulant des points les plus élevés vers les mers et les océans, l’eau joue un rôle essentiel, à la fois comme source de vie et comme véhicule permettant la circulation d’éléments nécessaires à la vie.
Le langage fonctionne de la même façon, à la fois médium et message. Les idées s’écoulent comme les mots dans le temps et l’espace, se matérialisant momentanément enévénements et en objets fugitivement imprégnés d’une signification particulière. Puis, à l’instar de l’eau, cette signification s’efface peu à peu pour venir se fondre à nouveau dans le fleuve de la vie et de la mort.
On peut ainsi observer l’histoire humaine non pas en y recherchant des significations particulières, mais en contemplant plutôt les canaux et les canyons inscrits à sa surface, gravés par le flot du langage.
Une projection de textes générée par différents ordinateurs connectés à des projecteurs informatiques permet de créer un fleuve d’informations remontant et descendant la rampe d’accès principale menant aux collections permanentes. Le programme informatique est exécuté en temps réel, générant des courants de texte constamment renouvelés et en évolution permanente. Les mots interagissent, augmentant et diminuant le flux de données montant et descendant la rampe. L’ensemble représente un « cycle hydrologique » linguistique.
[…]
Un dialogue implicite constant s’instaure entre les visiteurs du musée et l’œuvre d’art. À mesure que le visiteur monte le long de la rampe, les mots s’écoulent sous et autour de ses pieds comme s’il pataugeait dans un ruisseau. À certains endroits, le degré d’immersion augmente, et le promeneur s’enfonce encore plus profondément dans les mots… »